Pourquoi il ne faut surtout pas accepter la proposition d’engagements de Booking.com

Pourquoi il ne faut surtout pas accepter la proposition d’engagements de Booking.com

Le 11 décembre 2014, Booking.com faisait une proposition d’engagements à l’Autorité de la concurrence pour tenter de mettre fin à la saisine des principaux syndicats hôteliers français (UMIH, GNC, CPIH, SYNHORCAT, FAGIHT).

J’ai rédigé un article présentant ce document, la proposition d’engagement de Booking.com. L’Autorité consulte en ce moment les intéressés avant de donner une réponse à Booking.com sur l’acceptation ou non de cette proposition. Si la proposition est acceptée, elle donnera lieu à un test de 6 mois. La réponse doit être notifiée à Booking.com avant le 31 janvier 2014.

Booking.com, dans cette proposition, met en place ses pions pour encore mieux exploiter la relation qu’il a avec les hébergeurs. Il le fait de manière presque sournoise, genre « je réponds amicalement à votre demande« , en travaillant son image, genre « regardez, je suis gentil, j’abandonne la parité tarifaire » et en organisant une phénoménale opération de communication, tout le monde, y compris la presse nationale et surtout le grand public, pense que la parité tarifaire a été abandonnée.

Bref, c’est une véritable mascarade que Booking.com organise, ne tombons pas dans le piège, refusons cette proposition, voici pourquoi

La parité, ce n’est pas le problème

On n’arrête pas de parler de cette sacro-sainte parité, je ne sais pas pourquoi, mais ce n’est pas le problème. Rappelons que les griefs que les hôteliers ont vis-à-vis de ces centrales de réservations sont:

  • la parité tarifaire
  • la parité de disponibilité
  • l’achat de nom commercial
  • l’utilisation qui est faite des affiliés
  • l’appartenance du client

Je m’arrête là pour ne pas passer pour un extrémiste, mais je pourrais rajouter la pollution de la visibilité naturelle, la pollution de l’offre, la modification lourde et durable du comportement du consommateur, l’explosion des couts de commercialisation, les messages marketing borderline que Booking.com utilise, la pollution de la e-réputation, etc.

Booking.com ne répond, dans cette proposition, qu’à un seul des points qui pourraient remettre la collaboration sur un plan gagnant/gagnant. Et c’est le point le moins important, le moins impactant, mais qui a un effet d’annonce maximum.

Booking.com durcit en fait la parité avec l’hôtel

En effet, la parité tarifaire telle qu’elle est actuellement exprimée dans les Conditions Générales de Prestation fait peur, mais est « flexible ». Aujourd’hui, les hôteliers savent très bien comment contourner la parité tarifaire entre leur point de vente officiel (site internet, téléphone, passage) et Booking.com. D’ailleurs Booking.com lâche du lest vis-à-vis de cette parité et n’en demande son respect que vis-à-vis des plateformes de distribution (Expedia, HRS, Venere, Agoda, etc.).

La situation actuelle de la parité convient bien aux hôteliers qui ont appris à s’en servir, à l’exploiter, à l’intégrer dans leur stratégie digitale.

La proposition met fin à tout cela, durcit les conditions de respect de la parité entre Booking.com et les points de vente officiels, remet bien à plat les termes, les conditions, etc. Cela ne va absolument pas dans le bon sens, ni pour l’hôtelier, ni pour le client, que pour Booking.com.

Booking.com ne fait que ce qui le sert (et ils ont bien raison, on est en économie de marché) et la proposition ne traite qu’un seul point, celui qui a besoin d’être renforcé pour leur intérêt.

Booking.com en profite pour faire passer d’autres éléments

Cette proposition ne parle pas que de la parité tarifaire. Elle parle aussi de classement, de performance, de conditions de collaboration, de mise en avant des fiches établissements. On apprend notamment que certains hébergeurs pourront bénéficier d’un taux de commission réduit si ils garantissent à Booking.com le meilleur prix et/ou si ils offrent un prix inférieur aux autres plateformes (y compris la leur). On apprend que Booking.com pourra demander un prix de vente à l’hébergeur, sans en savoir plus, ça veut dire quoi « Booking.com.com pourra demander aux hébergements (sans aucune menace de sanction) d’envisager de réduire les tarifs de nuitée qu’ils proposent sur Booking.com.com » (point 1.04).
Je ne vais pas détailler le changement d’algorithme, la mise en avant de l’hébergement avec un macaron (ou autre) « meilleur prix », etc. Une chose est sûr est que cela ne va pas dans le bon sens, cela ne participe pas à remettre la collaboration sur un plan équitable et éthique.
Je considère, et je ne suis pas le seul, le GNI (CPIH, Synhorcat et Fagiht) aussi, qu’au contraire la proposition aggrave la situation (c’est le PDF en fin de page qui est important).

Une opération juridique

En incluant ces nouvelles clauses importantes dans la proposition d’engagement, Booking.com entend les faire valider en même temps que le soi-disant abandon de la parité tarifaire. C’est génial d’avoir des clauses validées par l’Autorité de la concurrence, elles ne sont plus discutables et ne pourront pas être remises en question !

Une opération de communication formidable

Cette proposition est avant tout une superbe opération de communication de la part du géant Américain. On ne compte plus les articles titrant « Booking.com abandonne la parité tarifaire ». J’ai mal, très mal, lorsque je lis des articles criant victoire et expliquant que Booking.com a plié face à l’Autorité de la concurrence (alors que ce n’est qu’une proposition qui doit éventuellement déboucher sur un test). L’opération, adoubée par l’Autorité, à très bien marché, même le journal Le Monde, d’habitude si sérieux et critique, est tombé dans le panneau avec un article ne précisant même pas que la parité directe était conservée et aggravée. Je ne parle même pas des soi-disant professionnels de l’hôtellerie, j’ai encore trouvé hier un article, sur le blog d’un consultant réputé et reconnu à Paris qui dit « En effet le géant mondial de la réservation en ligne s’est engagé à supprimer la clause de parité tarifaire contraignant les hôteliers à accorder des tarifs aussi avantageux à Booking.com qu’aux autres distributeurs y compris le site officiel de l’hôtel. » (C’est faux !). J’ai mal à mon métier, à mon secteur.

Un grand BRAVO à Booking.com pour cette superbe opération de communication, auprès des hôteliers, des médias, de la clientèle, bref ils arrivent presque à entourlouper tout le monde. Ils ont bien raison, la réalité ne compte pas, c’est la perception qui importe.

Conclusion

A part le GNI qui a pris position contre cette proposition dans un document intitulé « le gni dénonce une tromperie envers consommateurs et les hôteliers », et l’UMIH, dans un article intitulé « Propositions d’engagements de Booking.com.com: un coup de bluff médiatique », je n’ai pas l’impression que le secteur à compris ce qui se passait et quelle était la véritable nature de cette proposition.

J’attends avec impatience la réponse que fera l’Autorité à Booking.com et vous invite tous, à manifester votre désaccord avec cette proposition, principalement auprès de votre syndicat.

2 Comments

  1. legal
    25 mars 2015 at 1 h 54 min

    Merci pour votre article

    mais étant un nouvel hôtelier je suis un peu perdu pour savoir comment signer 1 contrat gagnant - gagnant avec booking.com

    merci

    1. 25 mars 2015 at 9 h 00 min

      Bonjour Legal

      aujourd'hui, mars 2015, il n'y a pas de contrat gagnant/gagnant avec Booking. La seule chose à faire est de savoir s'en servir: contrôler les dispo, les prix, les visuels, les offres, les CGV, etc. Différenciez-vous et différenciez votre offre. Si on trouve la même chose sur votre site et sur booking, les internautes iront réserver sur booking (marque, ergonomie, confiance, sécurité, facilité, etc.)

      Bonne journée
      Thomas